Jean-Claude Prêtre

Peintre

Campus Biotech (ex Serono) Genève, 2003-2011

 

Chantier Serono, toiture mobile, 2007



Effets  du chantier Serono sur le travail du peintre

Le peintre JCP, installé dans le quartier dès 1987, a assisté de très près à la démolition des anciennes installations de Sécheron, puis à l’édification du nouveau complexe Serono.

Son atelier est situé au sixième étage d’un immeuble jouxtant l’un des actuels bâtiments de l’entreprise, dans un espace traversant qui donne, d’une part, sur l’avenue Blanc, et d’autre part, sur le cœur même du complexe. Vu de l’atelier, celui-ci semble en constituer une extension naturelle… Conservé avec son gros œuvre brut en béton et les structures métalliques de la toiture apparentes, l’espace du peintre communique sans contradiction avec le bâtiment tout de verre et de métal nouvellement construit.

Jusqu’au début de la construction du chantier en 2003, le peintre s’était exclusivement préoccupé de peindre sur toile en privilégiant les grands formats. Durant l’été 2003, en raison d’une sévère canicule et d’un manque vital d’air, les portes-fenêtres de l’atelier du peintre durent rester ouvertes… A cette canicule exceptionnelle, la démolition des anciennes installations de Sécheron avait ajouté une pollution de poussières très importante. Le sol en était chaque jour recouvert, alors que les plus ténues flottaient en suspension dans l’air : respirer était devenu problématique, peindre impossible…

Il est nécessaire, en effet, de savoir que l’artiste prépare son support en le recouvrant de plusieurs fines couches de peinture transparentes qu’il superpose au cours d’un processus de plusieurs jours, voire de plusieurs semaines. Il laisse reposer à plat son œuvre sur le sol, la recouvrant de couches nouvelles – jour après jour – de telle manière que celles-ci (« glacis ») ainsi déposées les unes sur les autres finissent par « prendre » – comme on le dit d’une sauce – et former une surface « vivante » sur laquelle le véritable travail de création peut débuter… Cette technique, à l’évidence, ne supporte aucune trace de poussière !

Dans l’impossibilité mécanique de peindre, JCP dut trouver une technique propre à lui permettre  de continuer de travailler avec les enjeux qu’il s’était fixés… L’ordinateur fut cet instrument providentiel auquel il avait commencé à s’intéresser dès 2002 sans imaginer l’usage qu’il allait en faire…

Forcé par les circonstances contraignantes du chantier Serono et par la canicule de 2003, l’artiste a donc été mis dans la nécessité de repenser sa relation avec l’art. Entre 2003 et 2010, de nombreuses oeuvres ont ainsi été créées qu’il considère comme importantes pour l’évolution de son travail.

Chantier Serono vu de l’atelier, 2004

 

Voir sur le site (SÉRIES/EXPOSITIONS → DANAÉ → DANAÉ INTERFACES et consulter sur cette page le catalogue Danaé, libre lumière).

Situation du complexe Serono

Aujourd’hui, la construction du complexe Serono – à l’initiative d’Ernesto Bertarelli – est terminée : elle a remplacé le Site industriel de Sécheron, créé au XIXe siècle. Elle est l’œuvre des architectes Murphy/Jahn de Chicago avec l’aide de la compagnie de construction Steiner (Opéra de Shangai, Viaduc de Millau). Le complexe hautement transparent, lumineux, « dématérialisé » – selon le propos même de l’un de ses concepteurs (Werner Sobek) – se veut la « métaphore » des rapports harmonieux existant dans l’entreprise et entre celle-ci et l’environnement local. La métaphore architecturale serait également opérante pour que forme et fonction du bâtiment induisent l’esprit de recherche innovateur du groupe dans le domaine de la fabrication des produits pharmaceutiques de pointe. L’entreprise Serono est en effet leader sur le marché mondial de la biotechnologie. Elle produit et commercialise des médicaments destinés à traiter le cancer, la sclérose, la stérilité, le psoriasis et d’autres maladies auto-immunes, inflammatoires et neurologiques.

Chantier Serono vu de l’atelier, 2006

 

Formellement, le complexe est une très belle réussite architecturale contemporaine qui évoque les tours de verre à facettes de Ludwig van der Rohe conceptualisées dès les années 1921, et, plus proche de nous, les Highlight Business Towers de Munich des mêmes architectes.

La beauté de la forme du complexe toutefois ne répond pas prioritairement à des fins esthétiques, mais à des finalités structurelles de construction liées à des considérations de réchauffement et de refroidissement du bâtiment, donc de gestion de l’énergie  : les façades de modules de verre inclinés, par exemple, ont été étudiées tant pour optimiser la lumière que pour se protéger d’elle. Le projet a été pensé de telle manière que son énergie soit renouvelable et partageable à terme avec les organisations internationales proches. Les bâtiments sont ainsi chauffés et refroidis par un système qui pompe l’eau du lac et un toit de 1000 m² – le plus grand toit mobile du monde, selon W.S. – assure une ventilation naturelle et une circulation de l’air lors des grandes chaleurs de saison.

La nature dans l’entreprise est partout visible de l’extérieur. Pour « Les Architectes Paysagistes Associés Oxalis » de Genève, introduire la nature à l’intérieur des lieux de travail, la faire participer à l’espace général, contribue à renforcer une même chaîne analogique autour du concept de développement durable recherché partout ici et pour tous.

Le peintre qui s’est toujours adonné à la photographie et au film – parallèlement à son travail de peinture – a pris des images quotidiennes du chantier dès son ouverture en 2003.
Lorsque l’édification du nouveau complexe Serono fut terminée en 2007, il reconsidéra au cours des trois années suivantes l’entier de son reportage.
Il en sélectionna les images les plus significatives du point de vue des enjeux de « son » art de peindre, mais également en s’efforçant d’établir des liens entre les aspects éphémères du chantier en cours et les aspects pérennes du complexe achevé.

 

Les toutes premières images de 2003 illustrent la démolition de la grande cheminée installée en bordure du chemin des Mines, à ses yeux, l’emblème historique du site industriel de Sécheron. Cette cheminée, figure symbolique de l’érôs, est entrée dans plusieurs des dernières compositions de l’artiste entre 2010 et début 2011.


« Cheminée de Sécheron », 2003

« JCP à la Cheminée de Sécheron ». Ph. Jacques Bélat (« Traces », 1996)


Selon celui-ci, il semblerait que l’effigie de la virilité ait été détruite pour être remplacée par celui de la féminité… Pour s’en convaincre, il suffit d’admirer, de l’atelier de l’artiste, le toit mobile incurvé et convexe du complexe entr’ouvert un soir d’été, lorsqu’il circonscrit une cavité allongée, mystérieuse, presque physiologique… et  de prendre ainsi conscience de son potentiel érotique féminin. Aussi, dans certaines images tardives, le peintre a-t-il, à dessein, figuré l’impossible rencontre des deux emblèmes… celui du passé semblant « fertiliser » celui du présent… un pouvoir de l’art… puisque le présent urbain ne peut exister dans notre réalité contemporaine qu’en se substituant à son passé !


 

 

« Segment d’architecture en miroir », 2011

Deux séries distinctes de 21 images pour chacune des séries synthétisent l’ensemble des photographies du reportage et les interprétations plus élaborées conçues durant la période qui va de 2003 à 2007 : elles en sont toutes deux une interprétation artistique à un niveau distinct.

Le « chantier en cours » se déploie en longues et lentes surfaces continues voire s’étend en lieux d’énergie concentrée ou répandue dans la série « Emblèmes de chantier ». Comme chez Pierre Bonnard, la porte-fenêtre de l’atelier joue, dans plusieurs compositions, le même rôle de mêler « deux univers distincts », un intérieur et un extérieur, de telle façon que ces deux réalités n’en fassent qu’une, cette impression étant renforcée par la convergence qui existe entre l’atelier du peintre et le complexe Serono.

La série « Segments d’architecture en miroir » souligne l’élégance formelle du complexe achevé. Images d’architecture de notre temps, dédoublées en miroir, qui montrent une inclinaison vers des figures idéales de construction.

Présentées ici en tête, on trouvera à leur suite, regroupées en séquences annuelles, les photographies brutes et retravaillées sélectionnées entre 2003 et 2010.

La dimension des photographies n’a pas été définie : elle est susceptible de varier entre petit format de manière à réunir les 21 images d’une série entière ; et très grand format pour une image unique.

 

« 21 EMBLÈMES DE CHANTIER », 2010-2011

Emblème de chantier 1, 2011

 

 

Emblème de chantier 2, 2011

 

 

 

« 21 SEGMENTS D’ARCHITECTURE EN MIROIR », 2010-2011

Segment d’architecture en miroir 1, 2011

 

 

Segment d’architecture en miroir 2, 2011

 

 

 

 

ARCHIVES

CHANTIER SERONO, 2005-2006

Chantier Serono, décembre 2005

 

 

CHANTIER SERONO, 2006-2007

Chantier Serono, juin 2007

 

 

CHANTIER SERONO, 2005

Chantier Serono vu de l’atelier, mars 2005

 

 

CHANTIER SERONO, 2003-2005

 

PETITES SÉQUENCES ANECDOTIQUES DE CHANTIER, 2005-2006

Danaé, libre lumière : Catalogue pdf

© Jean-Claude Prêtre. Tous droits de reproduction, sous n’importe quelle forme, strictement réservés.