Jean-Claude Prêtre

Peintre

Danaé, Interfaces, 2002-2012

 

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Danaé, interfaces 14, 2004


 

Danaé, interfaces est une série de variations digitales faisant partie d’une Suite de séries d’œuvres réalisées avec les moyens et les supports traditionnels de la peinture et constituant l’ensemble Danaé, libre lumière. Elle appartient au troisième et dernier volet d’une trilogie commencée à la fin des années 70 avec Suzanne, le procès du modèle et Ariane, le Labyrinthe.

« Ariane, Danaé, Suzanne », trois femmes, l’une d’origine biblique, les deux autres issues de la mythologie grecque, trois thèmes de la peinture, trois manières de se rendre compréhensible le « monde » en le réinventant plutôt qu’en se l’appropriant comme le font nombre d’artistes à la suite de Marcel Duchamp.

Alors que la série Suzanne est un long face-à-face avec la Suzanne et les vieillards du Tintoret de la collection du Kunsthistorisches Museum de Vienne, les séries Ariane et Danaé – parfois également à l’origine de quelques confrontations de même nature – sont d’abord de libres tentatives de peindre sans limites fixées à la pensée et à l’imagination.

La série Danaé, libre lumière commencée avec les deux autres séries en 1983, reprise dès la fin de la série Ariane en 1998 avec les mêmes techniques et les mêmes supports, a été enrichie à partir de 2002 par la série Danaé, interfaces d’origine informatique.

Si l’ordinateur remplace les instruments traditionnels de la peinture, les méthodes de travail restent les mêmes. Le problème du peintre qui échange un instrument contre un autre est encore : comment renouveler la peinture ?

 

Grand Nu gris, 2006

 

Il faut souligner que le concept de jonction et d’interface préexiste dans le mythe de Danaé qui unit terre et ciel, charnel et spirituel, sexe et monnaie des temps. Danaé – métaphore de la peinture même – toujours entre géométrie des hasards et hasards de la géométrie.

 

Danaé, libre lumière est la quatrième exposition personnelle de Jean-Claude Prêtre à la Galerie Andata/Ritorno, Genève
L’exposition confronte une unique peinture sur toile de grand format Naxos (200 × 300 cm) à des œuvres numériques.


 

Naxos, 1996

Si les rivages de Naxos l’avaient offerte près du lit de Thésée, Bacchus eût à son tour délaissé Ariane une seconde fois solitaire ; et même si les plaintes de Junon ne m’avaient à la longue désarmée, le souverain des airs eût emprunté pour elle les plumes du cygne ou le front d’un taureau, et l’on eût vu Jupiter tomber dans son sein en gouttes d’or et en pluie vivante.

Stace, Silves

Le poète latin Stace, cité en exergue, a su imaginer cette improbable rencontre de Danaé baignée par les gouttes d’or de la pluie vivante sur les rivages de Naxos…

Le tableau Naxos est un récif de germes, graines, noyaux, semences, œufs, nodules, billes, un haut-fond de récifs de corail turgescent, de brisants polis comme des coquilles par l’écume des marées, un cirque de concrétions d’oxydes métalliques et d’atomes anamorphosés vomis par les grands fonds océaniques, de boules de cire et de cristal, un écueil de fruits de sel, de gomme et de carapaces de jade, de galets d’opale et de corps sphériques veinés d’ophite et chamarrés d’émeraude et de sanguine, un globe terrestre parsemés d’igloos de grenade, de voûtes crâniennes célestes et transparentes, de glandes de sable et d’eau incroyable de fesses de poivre, de seins de spectre de la rose sous la rosée, de noirs fœtus de cochonnets en berceau et de ventres de dépliement d’éventail des jours, mais encore, ici et là, annonçant la pluie vivante, de corps fluides comme un filet d’air pur, de sexes d’algues volatiles cristallisés un instant et aussitôt perdus, de regards presque invisibles traversés d’essences fantomatiques, d’élixirs et de philtres de feu doux et d’or…

JCP, catalogue de l’exposition Danaé, libre lumière, Galerie Andata/Ritorno, 2005, page 18

Œuvres exposées à la Galerie Andata/Ritorno, Genève, 2005

Textes du catalogue Danaé, libre lumière

Danaé, interfaces : Invitation Danaé, libre lumière : Catalogue pdf


Autres œuvres de la série, 2002-2005

Naxos 6, 2005

 

 


La série Danaé, interfaces « ne te retourne pas » – partie de la suite Danaé, libre lumière – a été exposée pour la première fois à la Galerie SELZ art contemporain, Perrefitte, du 21 novembre au 19 décembre 2004, à l’occasion de la parution du numéro XIV de la revue d’art Trou.

 


 

Trou XIV, 2004, pp.123-150

 

Le peintre Jean-Claude Prêtre est fasciné par la confrontation entre passé et présent, par les métamorphoses et une forme de mise en scène du chaos. Son constant souci de renouvellement de la peinture l’a amené à s’exprimer par l’informatique, en opérant la jonction d’un double répertoire d’images peintes et de photographies.
La suite Danaé, interfaces marque une nouvelle étape de son travail et a été spécialement créée pour Trou.

Page de présentation des cinq créateurs : Martine Franck, Dado, Georges Haldas, Mario Botta, Jean-Claude Prêtre

Trou (Page de présentation de « Danaé, interfaces ne te retourne pas »)

Danaé est le troisième et dernier volet d’une trilogie commencée au début des années 80 avec Suzanne et suivie dans les années 90, par Ariane. Trois femmes, l’une d’origine biblique, les deux autres issues de la mythologie grecque, trois thèmes de la peinture, trois manières de se rendre compréhensible le « monde » en le réinventant plutôt qu’en se l’appropriant comme le font nombre d’artistes à la suite de Marcel Duchamp.

(…) La présente série, Danaé, interfaces, a une origine informatique. Ce qui change dans cette série par rapport au travail de la peinture est lié au support final et, durant la phase créative, à la rapidité des impulsions digitales : les flux de données numériques ouvrent à des connexions, à des liaisons paradoxales, à des solutions de continuité ou de rupture qui se réalisent sur l’écran à la vitesse de la pensée. Pour le peintre habitué à commencer son travail avec des accidents et un chaos visuel, à provoquer la perte délibérée de ses repères pour élaborer un ordre toujours relatif et en suspens, à construire des surfaces au moyen d’une succession patiente de glacis sans cesse réajustés, à représenter des motifs dûment figurés pour les faire disparaître sous des surfaces sciemment compliquées et couvrantes, l’usage du processeur lui permet de faire ces mêmes expériences de manière virtuelle. Soit : de renoncer à celles qui mènent à des impasses et de sélectionner celles qui ont un sens pour sa démarche, et contrairement aux effets que ces activités de recouvrement et d’effacement exercent sur la peinture, d’être dans le virtuel sans conséquence sur la matière de l’œuvre. Les créations numériques sont toujours pensées en rapport avec une taille aussi importante que les grands formats en peinture. Elles prennent une forme définitive dans le format le mieux adapté à leur propos au moyen d’un tirage argentique scellé sous verre acrylique.

 

Danaé, interfaces 17, 2004

Les procédés digitaux dans la série Danaé, interfaces permettent la jonction d’un double répertoire personnel d’images qui proviennent de la peinture et de la photographie, deux techniques utilisées de tout temps par l’artiste, tantôt séparément, tantôt ensemble. Cette jonction se fait par la confrontation de leurs enjeux artistiques opposés et par l’usage de leurs contrepoints techniques. A ce double répertoire s’ajoute encore, à l’occasion, une collection éclectique d’images, appartenant à l’histoire de l’art, principalement. Il faut souligner que le concept de jonction et d’interface préexiste dans le mythe même de Danaé, qui unit terre et ciel, charnel et spirituel, sexe et monnaie des temps, et ici, virtuel et arborescence oraculaire du thème : de ses racines antiques à ses marges créatives proches les plus aventureuses. Danaé, encore métaphore de l’artiste saisi comme elle par une force  fabuleuse qui lui dicte son bon vouloir, et métaphore de la peinture même, toujours entre géométrie des hasards et hasards de la géométrie.

Dans cette série, l’ordinateur remplace les instruments traditionnels de la peinture, toutefois les méthodes de travail restent les mêmes et ce qui a toujours gouverné en profondeur la subjectivité de l’expression n’a pas pour autant été remplacé par une motivation nouvelle. Le problème du peintre est encore : comment renouveler la peinture ?

L’ordinateur est l’instrument actuel par lequel peut se penser l’une des formes de ce renouvellement. Cet outil dispose d’une palette de couleurs sans limites et de la technique du collage (le paradigme du contemporain) : il facilite la fabrication d’une image composite, d’une image composée de plusieurs images, d’une image d’image. En tant qu’instrument de l’avant-garde technique actuelle, il permet de reconsidérer des domaines de la pensée déclarés sans perspective par une certaine élite de fonctionnaires de l’art : s’intéresser à ce qui a été rejeté par notre culture – à cet interdit – est l’un des ressorts de la trilogie.

Œuvres reproduites dans la revue d’art Trou XIV, 2004


Œuvres exposées à la Galerie SELZ art contemporain, Perrefitte, 2004

Danaé, interfaces 2, 2004

 

 

Danaé, interfaces 6, 2004

 

 

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