Jean-Claude Prêtre

Peintre

biographie

 

Cette page contiendra :
Biographie – Prix, bourses et distinctions – Expositions personnelles – Expositions collectives – Bibliographie – Articles de périodiques, publications – Textes de critiques, écrivains, galeristes et directeurs de musées

 

 

MARC LE BOT
Un art des yeux : portrait du peintre Jean-Claude Prêtre

 

Jean-Claude Prêtre a atteint dès longtemps à la plénitude de son art. Voici l’œuvre, aujourd’hui, dans tout son éclat, telle qu’on a pu la voir, amplement déployée dans les grandes expositions qui se sont tenues, la première au Musée d’Art Moderne, Palais Liechtenstein de Vienne (1991), la seconde à la Collégiale de Saint-Ursanne (1998).

Comme toutes les œuvres accomplies, celle-ci est le fruit d’un long et rigoureux travail. Dès la première adolescence, Jean-Claude Prêtre s’attache à « copier » des œuvres de plusieurs grands « maîtres » de la peinture. Il s’agit, le pinceau à la main, de rechercher et de maîtriser des « effets » picturaux semblables à ceux qu’on se donne pour modèles. Jean-Claude Prêtre n’a jamais oublié cet acquis. Combien de ses tableaux ne font-ils pas allusion au Titien, au Tintoret, à Grünewald, à Goya ?

Pourtant, pendant un bref moment à la fin de l’adolescence, le destin de Jean-Claude Prêtre a paru hésiter. S’agissant de « l’art des yeux », de l’art des images, le voici attiré par la photographie et par le film, attirance qui ne se démentira pas. Puis, dans ces hésitations du jeune âge, il va jusqu’à commencer des études de médecine qu’il interrompt pour suivre des études d’art et d’histoire de l’art aux Beaux – Arts et à l’Université de Genève.

Cependant sa formation n’est pas toute scolaire. Jean-Claude Prêtre voyage. Il va du grand Nord au Sahara où il visite les fresques du Tassili. Il parcourt le continent américain depuis le Mexique et les États-Unis jusqu’au Canada. Ce dernier pays lui est particulièrement accueillant. Invité par le Conseil des Arts, il passe l’année 1975 à Montréal. Il se perfectionne dans la technique de l’impression sérigraphique. Il fréquente un groupe d’artistes dont le point de ralliement est le Centre Graff. Il s’y lie d’une amitié durable avec Pierre Ayot. Tous deux sont animés pas une même passion qui les pousse à faire dialoguer, chacun à sa façon des éléments repris à notre passé culturel et des éléments d’une pensée artistique tout actuelle.

Mais l’œuvre de Jean-Claude Prêtre est trop originale pour qu’on y puisse déceler des influences. Quand il s’attache à des œuvres du passé, quand il rencontre des artistes de sa génération, ces rencontres sont pour lui les occasions d’un « dialogue » ou seulement d’une réflexion renouvelée sur ses propres conceptions. Ainsi en est-il du contact qu’il a eu avec des artistes de « l’Arte povera » en 1977, lors d’un séjour au Centre International d’Expérimentation artistique Marie – Louise Jeanneret, à Boissano (Italie).

On imagine que cette dernière rencontre avec une modernité un peu agressive ne l’a porté qu’à méditer davantage la culture artistique traditionnelle. Ainsi, dans les séries consacrées à la Suzanne biblique et à l’Ariane, au Dionysos, au Labyrinthe de la mythologie grecque. Les images de Jean-Claude Prêtre sont pleines aussi de références littéraires dont la principale est sans doute Ovide. Et, à lire les préfaces de ses catalogues, on voit qu’il a toujours été amicalement attaché à des écrivains et critiques de grand renom qui ont consacré à son œuvre nombre de commentaires ou ont écrit pour lui, comme en réplique, nombre de textes littéraires ou de poèmes.

Les éléments culturels que la peinture de Jean-Claude Prêtre prend en charge, ne font que renforcer l’extrême sensualité de l’œuvre. L’histoire de Suzanne et celles d’Ariane et de Danaé touchent par elles-mêmes notre sensibilité parce qu’au fond ces histoires-là sont éternelles. Elles parlent de sexe, de pudeur et d’amour. Elles font appel, en chacun de nous, à sa mémoire affective. Et l’ébranlement de nos mémoires personnelles trouve un écho qui l’amplifie dans le jeu des couleurs tendres et acides, dans le contraste entre des matières tantôt lisses, tantôt tourmentées, dans une opposition entre pleins et vides. Ou bien dans des images non moins nombreuses, c’est à des réalités neutres en apparence, sans « histoire », des assemblages géométriques et des éléments de natures-mortes que le peintre fait appel. Il en est ainsi dans ces images somptueuses où revient de façon obsédante le thème d’une grande richesse symbolique, de ce que le poète nommait « des fruits, des feuilles et des branches ».

Cependant, dans ces peintures qui font penser en effet aux natures – mortes de l’âge classique, la logique de l’art de Jean-Claude Prêtre se manifeste avec le même éclat que dans les tableaux qui sont des mises en scènes de « figures ». Les formes circulaires qui sont souvent des fruits, perdent leur identité. Elles ne sont plus qu’une sorte de prolifération organique. La vie est là, grouillante et polymorphe. Un chaos visuel commence de prendre forme et son expansion est en partie désordonnée. S’opposant à cette vitalité exubérante, voici cependant certaines formes qui ressortissent à l’ordre géométrique le plus strict, comme c’est le cas des moucharabiehs. Ou bien, s’opposant eux aussi à cette réalité proliférante, ce sont de grands aplats de couleur ou de grandes étendues d’une matière parfois chatoyante, parfois mal distincte.

Ici et là s’affirme la force de cette peinture. Elle réunit des contraires et les pousse à une sorte d’affrontement. Elle conduit notre pensée ou notre rêverie à se représenter ce qu’est la dynamique vitale du monde qui est donné à notre vue. Tout y est mouvement, tout y est pris dans des échanges entre des termes – lignes, couleurs, matières – qui sont tantôt proches les uns des autres, tantôt paraissent tout opposés. Ces rapprochements et ces vives contrariétés créent pour l’œil mille impulsions à « voir » : à voir d’un œil toujours nouveau le monde sensible. Ça entraîne les regards dans des tourbillons optiques dont l’image du labyrinthe serait le symbole le plus clair dans la peinture de Jean-Claude Prêtre. Ces sollicitations engagent le spectateur de l’œuvre à mêler ses propres fantasmes à celles du peintre et c’est toute notre vie mentale qui s’anime.

Ici des couleurs chaudes s’opposent à des couleurs froides, des lignes font arabesques, d’autres font échiquiers, des aplats jouent en contraste avec des matières grumeleuses, des zones d’ordre, partout, s’opposent à des zones désordonnées.

Cette mise en mouvement du visible est si intense, elle porte si loin l’imagination qu’on évoque les cavales du Poème de Parménide parce qu’elles sont une des métaphores les plus saisissantes de la pensée artistique : « Les cavales qui m’emportent m’ont conduit sur la route abondante en révélations de la divinité, route qui traverse les demeures des hommes pour porter celui qui sait voir ».

Marc Le Bot est l’auteur de plusieurs essais sur l’art, de monographies sur des peintres et d’ouvrages poétiques et littéraires. Il participe activement à la vie culturelle par ses articles, ses prises de position à la radio et à la télévision.
Il a été professeur à l’Université de Paris I.
Marc Le Bot a accompagné le travail de Jean-Claude Prêtre dès 1983 jusqu’à son décès en 2001.

Marc Le Bot

Marc Le Bot

 

Principales publications

Figures de l’art contemporain, Paris, UGE, 1976
Les parenthèses du regard, Paris, Fayard, 1979
L’œil du peintre, Paris, Gallimard, 1982
Images du corps, Aix, Présence contemporaine, 1986
Une blessure aux pieds d’Œdipe, Paris, Plon, 1989
Images, magies, Aix, Présence contemporaine, 1990
Paul Klee, Paris, Adrien Maeght, 1992
Les yeux de mon père, Paris, POL, 1992
La partie du soprano solo dans le chœur, Paris, POL, 1994
Quel ange n’est terrible ?, Paris, POL, 1995

Voir Marc Le Bot sur Internet (ouvrages chez Klincksieck, 10/18, Fayard, Gallimard, André Dimanche, Présence contemporaine, Brandes, Galilée, Fata Morgana, Plon, Colodion, Adrien Maeght, Assouline, P.O.L).

PDF Le Fil d’Ariane

 

 

 


© Jean-Claude Prêtre. Tous droits de reproduction, sous n’importe quelle forme, strictement réservés.