Jean-Claude Prêtre

Peintre

« Ariane, Danaé, Suzanne »

 

ŒUVRES EXPOSÉES À LA GALERIE MARIE-LOUISE JEANNERET – ART MODERNE, GENÈVE, 1984

Ariane 4. Grande variation aux pyramides, 1984

 

Rétrospectivement, l’exposition « Ariane, Danaé, Suzanne » de Jean-Claude Prêtre à la Galerie Marie-Louise Jeanneret, Art moderne, Genève (1984-1985), apparaît comme la genèse essentielle du travail qui va suivre.
En effet, les 7 premières Ariane, les 7 premières Danaé et les 7 premières Suzanne, soit 21 œuvres – chiffre emblématique pour l’artiste – exposées du 10 décembre 1984 au 21 janvier 1985, donneront lieu, les années suivantes, à des développements importants (chaque thème nécessitant environ une décennie de travail) et à des expositions rétrospectives.

Notamment, en 1991, celle de Suzanne (Suzanne, le procès du modèle : 121 œuvres) au Musée d’art moderne, Palais Liechtenstein de Vienne  et, en 1998, celle d’Ariane (Ariane, le Labyrinthe) à la Collégiale de Saint-Ursanne, Jura.
Chaque exposition était accompagnée d’un catalogue raisonné auquel ont participés, écrivains et critiques. Voir sur le site les pages  SUZANNE  ARIANE  DANAÉ et les ouvrages en pdf au bas de chaque page.
Le peintre travaille actuellement (en 2011) à l’édition du catalogue de Danaé (Danaé, libre lumière) et à la préparation d’une exposition rétrospective de ce dernier volet de sa trilogie.

Cette « genèse » exposée de la trilogie en 1984 a été accompagnée par un écrivain et des critiques de grande valeur : Michel Butor, Lucinges; Achille Bonito Oliva, Rome ; Marc le Bot, Paris ; Valentina Anker, Genève.
Voir le catalogue en pdf au bas de cette page.

 

« Les trames linguistiques de Prêtre utilisent l’arme de la rigueur formelle qui se meut avec désinvolture au milieu d’éléments abstraits et de simples repères figuratifs, avec un regard qui sait utiliser les fragments comme des occasions de flottement sur lesquels se fixe l’attention de l’artiste. L’artiste est justement celui qui a la force d’extraire et puis de restituer au fragment la dignité d’un ordre formel, qui sait utiliser en même temps le sens proliférant de la nature et aussi le rythme de la machine.

La mémoire ne fonctionne pas en termes de régression culturelle, mais elle a la force d’aller de l’avant grâce à l’élasticité d’une méthode capable d’assumer des mouvements divers. Celui andante du paysage et celui rythmé de la pure construction, mais les deux ensemble concourent à fonder un langage qui a la force de s’abstraire de toute référence concrète du moment que rien n’existe horsde la réalité de l’art (in quanto niente esiste fuori dalla concretezza dell’arte). »

ACHILLE BONITO OLIVA, « Atelier de l’histoire  »

Catalogue J.C. Prêtre, Ariane, Danaé, Suzanne, Galerie Marie-Louise Jeanneret – Art moderne, Genève, 1984, pp. 3-4, extrait

Traduit de l’italien par Brunella Colombelli

 

 

Sous la lune qui se baigne dans les miroirs à chaque tournant
Le bel aventurier auquel j’ai eu l’imprudence de me lier
Vient de lever son glaive ou son pieu sur mon frère
Des pages et des chambellans cherchant leurs chemins dans les corridors à facettes

Sous l’or qui ruisselle sur les briques en chaque recoin
Le beau vieillard barbu auquel j’ai fait la folie de me confier
Inscrit ses inépuisables déclarations qui s’enroulent autour des colonnes
De jeunes miséreux couverts de mazout et de dettes flairant des trésors dans les terrains vagues

Sous le tremble et l’acacia qui se répondent sur la fontaine
Le jeune prophète sombre dont je ne puis détacher les yeux
Dialogue avec les oiseaux les serpents et lézards
Des vieillards libidineux arpentant les allées dans la mélancolie de leurs années perdues

MICHEL BUTOR Trois femmes enlacées pour Jean-Claude Prêtre

Catalogue J.C. Prêtre, Ariane, Danaé, Suzanne, Galerie Marie-Louise Jeanneret – Art moderne, Genève, 1984, pp. 7-9, extrait

 

 

« La peinture de Jean-Claude Prêtre ne demande pas qu’on croie à une résurgence de la mythologie. Elle parle en termes de mythes de l’art même. L’art dont je crois qu’il est mon contemporain, est l’art qui s’interroge sur l’art parce que s’est perdu le sens des anciennes croyances, des mythes et de l’Histoire. »

 

MARC LE BOT, « Le visible, par défi »

Catalogue J.C. Prêtre, Ariane, Danaé, Suzanne, Galerie Marie-Louise Jeanneret – Art moderne, Genève, 1984, pp. 11-16, extrait

 

7 ARIANE

Ariane 1.  » Scène du Labyrinthe pour Tintoret « , 1984

 

 

« Prêtre se tourne aussi vers le Tintoret, impatient réalisateur des ardentes visions de son imagination, séduit par la sensibilité spatiale, le goût du raccourci et de la perspective qui ont permis à l’artiste vénitien de réaliser son style narratif violent et vivant. Jean-Claude Prêtre reprend la richesse des situations formelles et la disposition théâtrale des figures du « Miracle de l’esclave » en les réduisant à une structure de lignes et d’intersections. Chez le Tintoret les zones de couleurs, qui sont marquées par des contrastes, selon la tradition maniériste, fragmentent l’espace : par des associations d’idées picturales, Prêtre transpose la structure compositionnelle de l’œuvre de l’Accademia en un labyrinthe de la série Ariane. Prêtre et Tintoret ont la même rapidité, la même violence et une grande curiosité pour les iconographies non traditionnelles. Remarquons aussi le signe que Prêtre fait au Tintoret par delà l’espace des siècles. Alors qu’il anéantit les masses des personnages du « Miracle de l’esclave » en un ensemble de lignes, il conserve en revanche le portrait de l’Arétin. On sait que, si Vasari n’appréciait pas le rapide et capricieux vénitien *, l’Arétin, homme à l’intelligence subtile, en fit souvent la louange.

Avec Suzanne d’après le Tintoret, c’est un autre espace que Prêtre explore. Le cadre du miroir ne réfléchit rien, il est transparent : la nature, zone d’ombre du tableau vénitien, a disparu, les vieillards aussi. Le peintre voit le corps de Suzanne sans l’intermédiaire du regard des vieillards, qui est lié au temps. Celui qui regarde doit en faire autant, voyeur sans passer par le regard d’autrui. Peut-être est-ce là un des aboutissements de cette course à travers les cultures : atteindre directement le corps là où ombre et lumière se rejoignent. Mais l’espace le plus fascinant n’est-il pas celui qui mesure la distance entre les styles et qui se manifeste par les affinités que Jean-Claude Prêtre ressent avec des peintres si divers ? Il s’agit surtout de visionnaires du savoir, du début et de la fin de la Renaissance. Paolo Uccello et Tintoret : c’est le chemin entre Florence et Venise, l’itinéraire entre le Quattrocento qui chavire de lucidité et la fin du Cinquecento qui finit par s’éteindre dans un trop-plein de lumière.

Peignant un monde déchiré et éclaté, celui de la Renaissance ou celui du vingtième siècle, estompant le passé par la nouveauté de sa forme, Jean- Claude Prêtre a le courage de chercher un sens à travers la maîtrise de la matérialité de la peinture. Appuyée sur les grands mythes de l’antiquité qui réveillent de profonds échos cachés au fond de notre inconscient, sa peinture est riche de signification. Mais l’étude des maîtres du passé, qui ont dépeint ces mythes, lui a aussi rappelé que la peinture est avant tout un espace rempli de couleurs qui lui donnent son individualité. La citation ne mène donc pas à l’autoréflexion où bute une grande partie de l’art contemporain. Il ne refuse cependant pas la modernité ni les dédales que découvre la pensée en abyme – ses constantes références au procédé pictural en sont la preuve – mais il cherche ce qu’il y a de plus riche dans l’histoire de l’art. En fait, au lieu de vouloir définir l’art par neutralisations successives, il vise au contraire à la complexité la plus grande possible. La complexité et la croissance ne sont-ils pas les éléments qui caractérisent l’évolution? »

1 « …stravagante, capriccioso, presto e risoluto e il più terribile cervello che abbia avuto mai la pittura, come si può vedere in tutte le sue opere e ne’componimenti delle storie, fantastiche e fatte da lui diversamente e fuori dell’uso de gl’altri pittori ; anzi ha superata la stravaganza, con le nuove e capricciose invenzioni e strani ghiribizzi del suo intelletto che ha lavorato a caso e senza disegno, quasi mostrando che quest’arte è una baia. »

(Giorgio Vasari: Le vite de’piu eccelenti pittori, scultori e architetti, 1550-1568).

 

Valentina Anker A Canticle for Leibowitz

Catalogue J.-C. Prêtre, Ariane, Danaé, Suzanne, Galerie Marie-Louise Jeanneret – Art moderne, Genève, 1984, pp. 39-46, extrait

 

 

 

7 DANAÉ

Danaé 6.  » Nomade Série », 1984-85, 21 variations (18, 16, 2, 3, 17, 4)

 

 

 

 

7 SUZANNE

Suzanne 2.  » Harmonie du soir « , 1984

 

 

 

 

 

VERNISSAGE GALERIE MARIE-LOUISE JEANNERET – ART MODERNE, GENÈVE, 1984, (Photographies Nicolas Faure)

Gabrielle Jeanneret, inconnue, Bernard Kretz, JCP, Michel Butor devant « Suzanne au miroir pour Tintoret », 1984

 

JCP, Marie-Louise Jeanneret, Achille Bonito Oliva, Natacha Knapp

 

 

 

Invitation recto-verso

 

 

 

Revue « Art in America », numéro 11, décembre 1984

 

 

Catalogue de l’exposition

 

 


 

ŒUVRES EXPOSÉES À  ART 15’84  BÂLE / GALERIE GRAFF, MONTRÉAL

Danaé 5. « Autour de Danaé », 1984, acrylique sur toile, 180 x 450 cm

Quelques œuvres de la Suite Polaroïd (Offenbach Série) accompagnent une unique peinture de grand format, Autour de Danaé, la cinquième de la série Danaé. Voir sur le Site la page POLAROÏD.

 

NOUVELLE FIGURATION
NOUVELLE NARRATION

La poussée actuelle des multiples formes de néo-expressionnisme ont redonné à la peinture droit de cité.
(…)
Nous pouvons interroger attentivement certaines des formes actuelles de la nouvelle peinture. Une distinction semble s’imposer d’emblée : celle entre figuration et narration. Cette distinction interroge en retour les divers appareils critiques qui ont par le passé permis de commenter, d’analyser ou d’interpréter la peinture figurative (iconologie, psychanalyse, etc.).

La peinture actuelle semble juger la fonction même de la narration, voire de la figuration elle-même. La problématique semble moins concerner le niveau sémantique des œuvres que pointer les niveaux syntaxique et pragmatique.
(…)

René Payant

Extrait de la conférence donnée le 14 juin 1984 dans le cadre de ART 15’84, Bâle, Galerie Graff, Montréal, Canada.

 


 

 

ŒUVRES EXPOSÉES À LA BROMPTON GALLERY, LONDRES, 1985

Danaé 4. « Danaé », 1984

 

 

Suzanne 8. « Suzanne au bouquet », 1985

 

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